Communiquer avec une personne bipolaire peut parfois sembler délicat, et il est naturel de vouloir l’aider ou la rassurer. Cependant, certaines phrases, bien qu’elles partent d’une bonne intention, peuvent être blessantes et contre-productives. Voici un guide complet pour vous aider à mieux comprendre quelles expressions éviter et comment adopter une communication plus bienveillante.
Comprendre la bipolarité pour mieux communiquer
La bipolarité est une maladie psychiatrique chronique qui se caractérise par l’alternance d’épisodes maniaques et dépressifs. Ces changements d’humeur extrêmes ne sont pas de simples variations émotionnelles que nous connaissons tous, mais des manifestations d’un trouble neurobiologique complexe qui affecte profondément la qualité de vie.
Pour bien communiquer avec une personne bipolaire, vous devez dois d’abord comprendre que cette maladie implique des déficits spécifiques du traitement des informations qui peuvent entraîner des difficultés de communication. Durant les phases aiguës, la capacité de raisonnement peut être altérée, rendant certains échanges particulièrement délicats.
Il est essentiel de se rappeler qu’une personne bipolaire qui suit correctement son traitement peut mener une vie tout à fait normale et autonome. Elle peut avoir une vie de couple, sociale et professionnelle comme tout un chacun. Cette réalité doit guider votre approche : la personne face à vous n’est pas définie uniquement par sa maladie, mais reste un individu à part entière avec ses qualités, ses compétences et sa personnalité unique.
La communication efficace avec une personne bipolaire demande de l’empathie, de la patience et une compréhension des mécanismes de la maladie. En évitant certaines phrases maladroites, vous pouvez contribuer à créer un environnement de soutien qui favorise son bien-être et renforce votre relation.
Les phrases qui minimisent la maladie
Tu n’as pas une grosse bipolarité
Cette phrase peut être blessante pour le patient car elle peut être perçue de façon négative, réduisant la personne à sa condition.
Chaque personne à sa propre bipolarité, chaque personne ayant un traitement adapté pour sa bipolarité. La bipolarité n’est une pathologie avec ses caractéristiques uniques comme pourrait l’être la grippe. Elle existe sous plusieurs types et donc il existe un multitudes de symptômes qui sont propres a chaque type de bipolarité.
Il est donc assez réducteur de dire a une personne qu’elle souffre moins qu’une autre personne bipolaire. De plus, certaines personnes peuvent se cacher des autres quand elles souffrent, donnant ainsi aux autres l’impression que tout va bien. Certaines personnes bipolaires ne disent pas tout à leurs proches , soit pour ne pas les inquiéter, soit pour éviter d’être juger ou mal compris.
Tout le monde a des hauts et des bas
Cette phrase est l’une des plus problématiques car elle banalise complètement l’intensité des symptômes vécus. Les variations d’humeur normales n’ont rien à voir avec les épisodes maniaques ou dépressifs du trouble bipolaire. Quand vous dites cela, vous minimisez la souffrance réelle de la personne et vous suggérez qu’elle exagère ses difficultés.
Les épisodes bipolaires sont bien plus intenses que les fluctuations émotionnelles ordinaires. Un épisode maniaque peut impliquer une hyperactivité extrême, une désinhibition comportementale dangereuse, tandis qu’un épisode dépressif peut provoquer un ralentissement psychomoteur majeur et des idées suicidaires. Comparer cela aux « petits coups de blues » quotidiens est non seulement inapproprié, mais cela peut faire se sentir la personne incomprise et isolée.
C’est juste une question de volonté
Cette affirmation ignore complètement la nature neurobiologique du trouble bipolaire. Elle suggère que la personne pourrait simplement « choisir » d’aller mieux, générant ainsi culpabilité et incompréhension. Le trouble bipolaire n’est pas un manque de caractère ou une faiblesse personnelle, c’est une maladie qui nécessite un traitement médical approprié.
Dire à quelqu’un qu’il suffit de faire des efforts pour guérir reviendrait à dire à une personne diabétique qu’elle peut guérir par la seule force de sa volonté. Cette phrase peut décourager la personne de chercher l’aide médicale dont elle a besoin et l’amener à culpabiliser encore plus lors des épisodes difficiles.
Au moins tu n’es pas schizophrène
Comparer les troubles mentaux est inutile et blessant. Chaque condition a ses propres défis et mérite d’être prise au sérieux. Cette phrase tente de « relativiser » la souffrance, mais elle a l’effet inverse : elle invalide l’expérience de la personne et suggère qu’il existe une hiérarchie dans la souffrance psychique.
De plus, cette comparaison perpétue la stigmatisation des maladies mentales en général. Elle laisse entendre que certains troubles sont « pires » que d’autres, alors que chaque personne vit sa maladie de manière unique et mérite le même respect et la même considération.
Les phrases qui culpabilisent ou accusent
Tu utilises ta maladie comme excuse
Cette accusation peut gravement endommager la confiance et dissuader la personne de s’exprimer sur ses difficultés réelles. Elle suggère que la personne ment ou manipule en utilisant sa condition comme prétexte pour éviter ses responsabilités.
En réalité, reconnaître l’impact de sa maladie sur certaines situations est un signe de lucidité et de maturité. Une personne bipolaire peut effectivement avoir des limitations lors de certaines phases de sa maladie, et il est important qu’elle puisse les exprimer sans être accusée de mauvaise foi.
Tu y mets de la mauvaise volonté
Cette phrase sous-entend que la personne fait exprès de ne pas aller bien ou qu’elle ne fait pas assez d’efforts. C’est particulièrement blessant car les personnes bipolaires fournissent souvent des efforts considérables pour gérer leur maladie au quotidien.
Maintenir une stabilité émotionnelle, suivre un traitement, gérer les effets secondaires des médicaments, tout cela demande une énergie et une discipline importantes. Accuser quelqu’un de « mauvaise volonté » ignore tous ces efforts invisibles et peut décourager la personne dans sa démarche de soin.
Arrête ta comédie
Cette expression est profondément irrespectueuse car elle invalide complètement les expériences et émotions de la personne. Elle réduit ses comportements, qui peuvent être des symptômes de sa condition, à de la simple simulation.
Les manifestations de la bipolarité ne sont pas des caprices ou du théâtre, mais des symptômes réels d’une maladie reconnue. Cette phrase peut amener la personne à se sentir incomprise et stigmatisée, ce qui peut entraver son processus de guérison et l’isoler davantage.
Les phrases qui étiquettent ou réduisent la personne
Tu ne ressembles pas à une personne bipolaire
Il n’existe pas de « look » particulier pour ce trouble. Cette phrase perpétue les stéréotypes et peut invalider l’expérience de la personne. Elle suggère qu’il devrait y avoir une apparence spécifique associée à la bipolarité, ce qui est totalement faux.
Cette remarque peut également faire douter la personne de la validité de son diagnostic ou de la légitimité de ses difficultés. Elle renforce les préjugés selon lesquels les maladies mentales doivent être « visibles » pour être réelles.
Tu es encore dans ta phase maniaque ?
Réduire la personne à ses symptômes peut être très blessant. Cette remarque étiquette et discrédite ses émotions ou comportements du moment. Elle suggère que tout ce que fait la personne doit être interprété à travers le prisme de sa maladie.
Une personne bipolaire peut avoir de l’enthousiasme, de la joie ou de l’énergie pour des raisons tout à fait normales, sans que cela soit forcément lié à un épisode maniaque. Cette question constante peut l’amener à douter de ses propres émotions et à s’auto-surveiller de manière excessive.
Tu es trop intelligent pour être bipolaire
Cette affirmation repose sur un préjugé erroné liant la maladie mentale à l’intelligence. La bipolarité ne discrimine pas et peut toucher n’importe qui, quel que soit son niveau d’intelligence. Cette phrase peut faire sentir à la personne qu’elle est fautive ou qu’elle devrait pouvoir « surmonter » sa condition par la seule force de son intellect.
De nombreuses personnes très intelligentes et talentueuses vivent avec un trouble bipolaire. Cette remarque, bien qu’elle puisse sembler positive, renforce en réalité la stigmatisation en suggérant que la maladie mentale est incompatible avec l’intelligence.
Comment bien communiquer : les clés d’une relation bienveillante
Adopter les bonnes attitudes
Pour communiquer efficacement avec une personne bipolaire, privilégie des phrases apaisantes et courtes : « Je suis là », « Tu es en sécurité », « Ça va passer ». Ces expressions simples offrent un soutien concret sans jugement ni conseil non sollicité.
Le mieux est de soutenir dans les moments de doute avec des phrases simples, de rester calme et d’être une oreille attentive. Dans les états aigus de la maladie, il n’y a pas de paroles qui guérissent miraculeusement, mais votre soutien peut faire une réelle différence.
Comprendre les phases de la maladie
Apprendre à reconnaître les différentes phases (maniaque, dépressive, stable) vous aidera à adapter votre comportement. En phase dépressive, évitez d’essayer de raisonner la personne si elle est dans un stade avancé, car son raisonnement logique peut être altéré par la maladie.
En phase maniaque, restez passif et bienveillant. Si votre « non réaction » accroît son agressivité, éloignez-vous tout en gardant un œil sur la situation. Il est primordial de ne pas entrer dans son jeu ou contester sa perception des choses.
Encourager le suivi médical
Plutôt que de demander directement « Tu prends tes médicaments ? », encourage la personne à maintenir son suivi médical de manière plus délicate. Tu peux proposer de l’accompagner à ses rendez-vous ou simplement lui rappeler que tu soutiens ses efforts pour prendre soin de sa santé.
L’observance thérapeutique est indispensable pour éviter le risque de suicide, qui représente la première cause de mortalité chez les personnes bipolaires non traitées. Ton soutien dans cette démarche est précieux, mais il doit être exprimé avec tact et bienveillance.
Préserver la relation
N’oubliez pas que derrière la maladie, il y a une personne à part entière avec ses qualités, ses passions et ses rêves. Ne laissez pas le trouble bipolaire définir entièrement votre relation. Continuez à partager des moments agréables, à parler de sujets variés et à maintenir les activités que vous appréciez ensemble.
Votre présence constante et votre acceptation inconditionnelle peuvent grandement aider cette personne à se sentir plus à l’aise avec son état. L’important est de rester calme et d’éviter les sujets de disputes pour garder le canal de conversation ouvert.
En adoptant une communication respectueuse et empathique, vous contribuez non seulement au bien-être de votre proche, mais vous enrichissez également votre relation. La bipolarité fait partie de sa vie, mais elle ne définit pas qui elle est. Votre soutien bienveillant peut faire toute la différence dans son parcours de vie.